L’accompagnement : le soin en addictologie

On dit qu’il y a trois métiers impossibles : éduquer, gouverner et guérir, parce que ne s’appliquant pas à des choses mais à des êtres humains ce ne sont pas des métiers de maîtrise.

L’addictologie réunit les trois impossibilités, à quoi il faut ajouter une densité émotionnelle élevée souvent perturbatrice.

C’est pourquoi si on ne peut donner en addictologie de méthodes efficaces pour réussir, on peut en donner pour tout rater.

 

Méthode

Dans une relation le début est décisif. C’est pourquoi il faut dès l’accueil mettre tous les atouts de votre côté. Vous avez vu au premier coup d’œil que ce n’était pas le bon client et que vous ne pourriez pas lui vendre votre (excellente) salade.
L’individu doit sentir qu’il dérange, que quoi qu’il demande ce sera non. Ayez l’air agacé, sur la défensive, raide, votre visage n’exprime que crainte et désapprobation. De tout façon vous ne pouvez rien pour lui, inutile de lui faire perdre son temps.

En médecine l’exemple du sevrage, qu’on a longtemps assimilé à la guérison, est à ce titre édifiant. C’est vrai que le sevrage a l’air d’être la solution évidente, idéale, et comme techniquement il n’est pas difficile, et que le patient le demande, le médecin le fait : le patient, lui reste dans son lit, regarde la télé, attend son plateau repas, s’ennuie, sonne l’infirmière et sort de l’hôpital aussi bête qu’il y est entré, la rechute est quasiment programmée. Le sevrage ne résume pas le soin et les médecins pour l’avoir longtemps cru ont longtemps échoué.

S’il est naturel, par exemple, de chercher des solutions de logement pour des personnes à la rue il faut savoir que : La rue joue un rôle protecteur, il y a toujours quelqu’un pour alerter en cas d’urgence (ivresse aiguë, épilepsie, overdose). Ce qui n’est pas le cas quand on est seul dans un appartement. La rue c’est la compagnie sans la promiscuité, on peut disposer de ses relations à sa guise, il suffit de bouger. Le seul compagnon permanent c’est le chien. La galère quotidienne joue un rôle occupationnel… c’est-à-dire, paradoxalement, anxiolytique. Pour quelqu’un qui est depuis longtemps à la rue, être logé présente un risque qu’il faut anticiper.

Il peut y avoir sur le lieu de travail, par exemple, des situations qui nécessitent qu’on intervienne. Mais qui doit intervenir à quel titre et pour quoi faire ?
Qu’un stupéfiant, ou l’alcool le plus souvent, soit responsable de cette situation n’autorise pas un employeur à aborder la question de la toxicomanie ou de l’alcoolisme d’un employé directement, sortir du cadre professionnel est en général inefficace voire contre-productif, l’addiction est du registre de l’intimité. Le cadre légal et réglementaire de l’entreprise offre des possibilités d’agir beaucoup plus efficace, légitimes et non intrusives.

L’addiction finit par affecter tous les secteurs de la vie privée et publique, la santé, le travail etc. C’est un véritable chantier qui nécessite l’intervention de plusieurs corps de métier. Il faut orienter les patients vers des ressources professionnelles qui ne sont pas toujours présentes ou identifiées mais indispensables. Des réseaux existent dont la tâche est de solliciter les ressources locales de mettre en contact différents professionnels et de développer les plateformes de santé connectée (e santé). Il existe aussi des ressources dans la famille et dans l’entourage sans oublier les patients eux même qui sont les plus actifs pour constituer leur propre réseau.

Le temps est la variable la plus insaisissable et la plus relative puisqu’on la juge par rapport à des objectifs qui varient. Si l’objectif c’est la guérison, au sens de l’abstinence, il faudra attendre longtemps, car la rechute étant toujours possible la guérison ne pourra être vraiment certaine que post mortem. Il vaut mieux avoir des objectifs de réduction des risques et des dommages, boire moins, fumer moins, mettre en œuvre un traitement de substitution. Les résultats sont plus tangibles en matière de santé on est dans l’amélioration progressive, peut-être même, en route vers la « guérison. Cependant si l’objectif de santé est naturel pour le médecin ce n’est pas aussi clair pour le patient chez qui le besoin de vivre ne se confond pas toujours avec celui d’exister et parfois même il s’y oppose. La preuve c’est qu’il est là. Le soin est une affaire individuelle. Il faut en premier lieu savoir ce qu’il veut lui et de voir ensemble, sans idées préconçues, même bonnes, comment on pourrait faire. L’important c’est d’être en mouvement, sorti de la loi du tout ou rien du piège de l’attente.

Un préjugé massif et très négatif peut fermer toute les portes et condamner l’avenir. Ainsi, la présomption d’incurabilité permet d’anticiper l’échec, de le justifier et de se prémunir contre tout risque ultérieur de réussite. On l’a fait pour l’alcoolisme et la schizophrénie avec pendant un certain temps un certain succès.
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