L’histoire -non- officielle

En fait voilà ce qu’il s’est passé…

SAISON 1

Le réseau Ville – Hôpital -Toxicomanie : RVHT Passages

Les Centres de Soin Spécialisés en Toxicomanie (CSST)

A Toulouse, avant l’existence du premier réseau, le Réseau ville-hôpital « Passages », les toxicomanes (on ne parlait pas encore d’addiction) ne pouvaient s’adresser qu’aux CSST, ancêtres des Centres de Soin d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) : « AAT », « Clémence Isaure » et « OC drogues » futur « Arpade » ou à l’hôpital J. Ducuing ; ailleurs ils n’étaient tout simplement pas reçus. Le but du soin se résumait à l’abstinence et les moyens : sevrage (en série pour certains) et psychothérapie, d’inspiration analytique. A l’hôpital Marmottant  le Pr Olivenstein et son équipe jetaient les bases d’une clinique des toxicomanies.  « Il n’y a pas de toxicomanes heureux » disait « Olive » qui faisait de la question existentielle le cœur du problème. Les traitements opiacés accusés d’étouffer « le cri du toxicomane » n’étaient pas recommandés (c’est un euphémisme). Plus tard avec la politique de Réduction des Risques (RdR) c’est la question de la santé qui deviendrait centrale.

Les pharmaciens

Il existait néanmoins une RDR « underground » à base de codéine (Néocodion*) assumée par les pharmaciens d’officine. Au début des années 90 il se vendait plus de 10 millions de boites de Néocodion* par an (délivrance sans ordonnance limitée à 1 boite par personne par jour par pharmacie). Autour des pharmacies on trouvait sur les trottoirs des boites de Neocodion* vides. Cette substitution sauvage s’accompagnait souvent de prescription d’anxiolytiques (Rohypnol*) responsables d’overdoses et de passages à l’acte violents. La vie des pharmaciens était mouvementée

Les médecins

L’arrivée du Sida qui touche beaucoup de toxicomanes amène des médecins de ville du MUID (association de généralistes pour la recherche en médecine générale) à prescrire illégalement des médicaments opiacés. La « RDR » n’est plus totalement sauvage mais toujours privée de moyens et illégale. Les peines encourues sont lourdes : 500.000 F d’amende et perpétuité pour trafic de stupéfiants en bande organisée, d’après l’ordre des médecins. « Mais allez –y cher collègues… Faites gaffe quand même ! ». Les médecins et les pharmaciens se regroupent pour échanger entre eux et se protéger. Un autre mode de prise en charge qui ne préconise pas la seule abstinence se développe « spontanément ».

La famille

Les CSST réagissent ; un premier contact entre médecins du « MUID », pharmaciens et CSST se fait à l’hôpital J Ducuing en 1993 et en 1994 un réseau ville-hôpital-toxicomanie se constitue. Réseau ou cohabitent deux conceptions opposées du soin : le « péché originel » du réseau qui va lui donner toute son énergie. S’ouvre une période de discussions animées dans les « cercles cliniques » et les soirées débat. Pendant longtemps les CSST reprocheront aux médecins de ne pas assez leur orienter de patients pour de « vrais » soins, bref on s’engueule mais on travaille.

Le réseau Passages

1996, les traitements (médicaments) de substitution sont maintenant légaux et préconisés. Les médecins et la méthadone (l’opium du peuple) débarquent dans les CSST (CSAPA). Bigre!  La Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS), aujourd’hui Agence Régionale de Santé (ARS) a décidé de reconnaitre le Réseau Ville Hôpital Toxicomanie : « RVHT Passages »,  horizontal et égalitaire, plutôt que le réseau, vertical et hiérarchisé, porté par le CHU qui s’appelle « Permettre » (Pas sage / Père mettre : on rit). Dans le projet du CHU les médecins de ville devaient orienter leurs patients vers l’hôpital qui se réservait les prescriptions de Médicaments de Substitution des Opiacés (MSO). Pas très gentil ni très malin. « Passages » reçoit son premier budget et imprime sa marque sur la scène toxicomaniaque dans toute la Haute-Garonne. C’est un réseau de professionnels qui s’invente au fur et à mesure ;  il édite les « Règles de bonnes pratiques » ; ses recommandations sont suivies. 20% des médecins, quasi exclusivement des généralistes assurent 80%  des prescriptions (dans quelques années ils ne seront plus que 5% et pas très frais une des raisons du projet des microstructures) Tout le monde se connait et la « Secrétaire » du réseau connait tout le monde. Tous les lundis midi des membres du bureau et l’équipe partage le repas cuisiné par la « Secrétaire » et discutent des différents problèmes puis se séparent sans avoir rien décidé vraiment ; mais chacun sachant ce qu’il a à faire le réseau fonctionne. Sans direction, mais pour le moment personne ne s’en plaint.

Efficacité et effets pervers

Le réseau est efficace, en limitant les prescriptions des médicaments dangereux (pour tout le monde) : sulfates de morphine (Skenan*) et benzodiazépines (Rohypnol*), l’héroïne étant par ailleurs peu répandue dans la région, le réseau réduit de façon drastique la disponibilité des produits susceptibles de procurer des effets « intéressants ».  Mais la pénurie produit des effets pervers, le prix de rue de ces produis montent à Toulouse créant un micro climat intéressant pour le marché des stupéfiants. Un tourisme commercial se développe aux abords de la gare. Insuffisant cependant pour répondre à la demande. Les usagers de stupéfiants se rabattent sur les médicaments de substitution ; en Haute-Garonne plus que dans tout autre département le Subutex* a été détourné de son usage, injecté, revendu, échangé, etc.

Le « Comité de suivi des traitements de substitution »

En réponse à ce problème et à la demande du réseau, le comité de suivi des traitements de substitution de la Haute-Garonne, Instance officielle qui réunit à la DDASS (ARS) les professionnels de terrain et les institutionnels, organise par l’intermédiaire du service médical de la CPAM avec l’aval de la CNIL, le contrôle des prescriptions. En 2 ans plusieurs centaines de patients seront reçus (« avec tact et considération ») par LE médecin conseil chargé de cette mission. Le taux de détournement du Subutex* s’effondre sans que l’accès aux traitements soit affecté. Cette année-là, la cour des comptes cite l’expérience de la Haute-Garonne comme un exemple à suivre. Cela ne plait pas à tout le monde : la baisse des ventes de Subutex* ne réjouit pas les labos ; la « surveillance » des patients offusque les « intervenants » et la CNAM passe pour négligente. L’expérience est dénoncée et une enquête parlementaire est menée. C’est la fin du comité. Amen ! En quelques mois le prix du Subutex* de la rue va s’aligner sur celui des autres départements et le Skenan* va reprendre des parts de marché. Une satisfaction quand même, toutes les caisses vont mettre en place un système « anti dérive » inspiré du notre.

SAISON 2

De RVHT Passages à PRA31

Première secousse

En quelques années tout va se précipiter la DDASS (ARS) demande à la PME familiale « Passages » qui s’occupait de toxicomanes d’étendre ses compétences à l’ensemble des addictions, c’est un changement d’échelle considérable (1/1000). On râle mais on s’y met, ça doit être possible après tout, nous ne sommes qu’un catalyseur ce sont les autres qui doivent travailler et les autres sont, comme on le sait, très nombreux. Le potentiel d’un réseau est illimité, à nous de le réveiller. Le Réseau Toxicomanie devient Réseau Addiction, il s’appelle maintenant PRA 31 (Passages Réseau Addiction 31) L’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA) arrive au réseau.

Peu de temps après, la DDASS nous demande d’encadrer les prises en charge ambulatoires en constituant, au titre du réseau, des filières de soin ce qui met le réseau en concurrence avec ses propres membres. L’idée, mauvaise, est abandonnée dès la 2° année. Mais on a perdu du temps et elle a fait des dégâts, on se regarde de travers ! On va en tirer des leçons : les Notions Cardinales en Addictologie et un modèle de réseau « labellisable » (voir onglet Addiction à lien site).

Petit à petit le nouveau concept de RdR s’est imposé et développé. Désormais on parle aussi des dommages : RdRD. Les outils de RdRD se multiplient, kit pour injection, sniff, inhalation grosse quincaillerie ; tout le monde peut jouer au docteur. Le chemin vers la RDR avait été long, pourtant, réduire les risques les médecins connaissaient, même en latin : « Primum non nocere » c’était AV Jésus Christ le premier commandement du serment d’Hippocrate, mais comme souvent, il a fallu que ce soient les patients qui le leur rappellent. AIDES arrive au réseau.

Mais la RdRD c’est surtout une politique sanitaire : la gestion de la santé publique au mieux des intérêts, y compris et peut-être surtout, économiques de la collectivité. Avec la RdRD l’individu n’est plus au centre, la question de son malheur ou de son bonheur chère au Professeur Olivenstein il ira la poser ailleurs. Ce qui prime dorénavant c’est combien il va couter, appelons ça sa santé, ça passe mieux. Lors de notre première réunion sur la RdRD il y avait un assureur dans la salle, ça nous avait amusés. Il ne s’était pas trompé.

Une nouvelle discipline, l’addictologie

En  décrivant  les mécanismes pathologiques des addictions les neurosciences changent les représentations des addictions qui accèdent au statut de maladies. L’invention de l’addictologie va favoriser l’accès aux soins de très nombreuses personnes en situation de détresse et jusque-là stigmatisées et rejetées. Ces nouveaux malades vont pouvoir rencontrer de nouveaux médecins spécialistes : les addictologues.

La Plateforme de Soutien aux Professionnels (PSP) : Expérience versus Expertise

Comme nous pensons que l’addictologie est moins une science qu’une pratique en l’absence d’une théorie capable de s’imposer a tous nous préconisons un « éclectisme critique tempéré » et nous inventons un outil spécifique : La PSP. Quand il se connecte à la PSP le médecin qui a une question reçoit par mail sécurisé, la ou les réponses de professionnels, généralistes ou addictologues, membres du réseau, inscrits comme répondants. Dans un deuxième temps des éducateurs, assistantes sociales, infirmières, psychologues et psychiatres pourront, s’ils le veulent bien, être intégrés à la plateforme comme répondants. En somme une réponse mutualisée de praticiens portée par le réseau plus qu’une réponse d’experts (on rejoue Passage/Permettre, Terrain/ Université). Il y aura un administrateur de la plateforme,  un comité de pilotage, des formations etc… La mise en œuvre de la PSP a nécessité  un budget, des réunions, une entreprise pour la réalisation un ingénieur pour la conception. Et un grand plouf pour le plongeon : en 2 ans, il n’y a eu qu’un appel !

Comme un cheveu sur la soupe

La PSP était un outil pour des médecins,  mais ceux  qui étaient depuis longtemps impliqués dans la prise en charge des addictions n’en avaient pas besoin, ils avaient développé des compétences et tissé leur propre réseau, et les autres, difficile de savoir si, à l’époque, par prudence ils ne se reposaient pas tout simplement sur les  premiers, ou si c’est la plateforme elle-même qui n’était pas au point.  Y accéder pendant une consultation n’était pas simple et elle buggait. Enfin on n’avait pas encore pris le « virage numérique »,  trop en avance, isolée, la PSP était déconnectée des autres activités du réseau. Elle arrivait un peu comme un cheveu sur la soupe.

SAISON 3

DE PRA31 AU RAMIP

La ruée vers l’ouest

L’ARS demande maintenant au réseau de devenir régional « Ha ! Non ! » « Mais oui, finalement ! » La région c’est 8 départements presque la Belgique et 3M d’habitants ; il va falloir évoluer ; le fonctionnement familial n’est plus adapté ; il va cesser. Il faut un chef, ça va tout régler ! Ça y est on a un chef. Pauvre chef ! Désormais l’ARS nous passe commande, nous avons perdu l’initiative ; mais comme ça va dans le bon sens et que G, notre ambassadeur, mène le bal, on danse ! Enfin, on roule, Tarbes, Millau, Albi, Foix, Montauban, Auch…

Encore une secousse
Et puis quoi encore

Et ce n’est pas fini, l’ARS nous missionne maintenant pour « susciter ? Animer ? Soutenir ? Contrôler ? »  Les microstructures en Occitanie (soit 4 pelés et trois tondus) ça nous rappelle de mauvais souvenirs, on n’est pas légitime et L’ARS nous propose une candidate. Merdum ! Nous devenons de plus en plus un outil de l’ARS. Ce n’est pas comme ça qu’on voyait les choses… on réserve notre réponse,  mais est-ce qu’on a encore quelque chose à dire ? Reprenons nos esprits : Quoi qu’on décide il faudra :

  1. S’intégrer à la e-Santé parce qu’elle sera bientôt notre réalité
  2. Adopter ? Adapter ?  Le cahier des charges (CDC) de l’ARS pour en faire le nôtre.
  3. Mais au fait, avons-nous un projet propre ? Et lequel ?

SAISON 4

DE RAMIP À RAD’OC, E.2 – RAD’OC 2020, le triomphe de l’addictologie

Une cause nationale

Dans un contexte de crise sociale qui se creuse les addictions se développent de façon inquiétante. Actée par la journée d’action du 5 Décembre 2019, la fracture sociale est consommée fin 2020. Le gouvernement est dans l’impasse politique et  économique, l’addictologie apparait comme la seule variable d’ajustement social.  Sous la pression de l’APT  (mouvement  l’ « AAH Pour Tous ») et à la demande répétée du très médiatique Professeur B. le premier ministre déclare l’addictologie cause nationale.

Le nettoyeur

La reprise en main sanitaire de la population demande  un lien plus fort et plus direct de l’état avec tout le secteur de la santé. Fini la rigolade ! Aux grands maux les grands remèdes, une profonde restructuration de l’addictologie a lieu, au pas de charge. Un nouveau directeur, ancien militaire, nommé directement par le ministère débarque au RAD’OC avec son équipe. Fichtre !