À l’occasion du symposium annuel de l’association Addiction Psychology Switzerland (APS) du 17 Juin 2022, plusieurs intervenants sont venus présenter les nouvelles modalités de prise en charge en addictologie.
Force est de constater que la pandémie du Covid-19 a obligé de nombreux professionnels à changer leur façon de concevoir la mise en place de thérapies afin d’assurer une continuité de prise en charge. C’est dans ce contexte que les travaux sur les apports numériques dans le traitement des addictions ont acquis un rôle primordial.
De nombreux professionnels se sont retrouvés à mener des consultations en vidéoconférence, avec pour certains de nombreux doutes quant à l’efficacité d’une telle thérapie. La principale inquiétude des professionnels étant l’alliance thérapeutique, qui paraît plus difficile à construire lorsqu’on est à distance des patients. Or, c’est un facteur important de réussite dans la prise en charge. Des études ont déjà montré que pour des patients présentant un trouble anxieux généralisé, la thérapie par vidéoconférence est aussi efficace qu’une thérapie en face à face.
Par ailleurs, les patients ont parfois plus de facilité à prendre rendez-vous avec des professionnels lorsque la consultation se déroule en visioconférence, ce qui est un bénéfice important de ces thérapies. Le champ de l’addictologie étant complexe, plusieurs paramètres sont à prendre en compte pour la thérapie en vidéoconférence, comme les enjeux légaux, les comorbidités et la motivation.
Les thérapies en face à face permettent également d’avoir des informations sur le patient, comme la présentation physique, qui sont plus difficiles à observer à distance.
Néanmoins, la vidéoconférence permet de voir l’environnement dans lequel le patient vit et cela donne d’autres informations auxquelles on aurait plus difficilement accès. Une étude récente a pu mettre en
évidence que l’alliance thérapeutique en vidéoconférence ne différait pas statistiquement de l’alliance en thérapie en face à face pour des patients présentant une addiction à l’alcool. Il est important de noter que d’autres études doivent être menées dans le futur pour valider ces résultats.
Même si la psychothérapie par vidéoconférence est la plus proche du modèle de psychothérapie conventionnelle, les nouvelles technologies sont également présentes dans le champ de l’addiction sous d’autres formes, comme des sites d’information, des groupes de soutien en ligne, des applications ou encore des chatbot. Ces supports sont, pour certains usagers, une première étape vers le soin, plus simple à réaliser que d’aller consulter dans un centre spécialisé.
Il est néanmoins important de proposer des outils basés sur des évidences scientifiques et de s’assurer que les ressources proposées ont été construites par des professionnels de santé. Des recherches récentes ont montré qu’utiliser ces nouvelles technologies au sein d’une thérapie était plus efficace pour les patients qu’une thérapie seule. En effet, ces outils permettent de travailler d’autres aspects conjointement au travail réalisé durant les séances.
L’utilisation des nouvelles technologies peut même aller au-delà et être partie prenante de la prise en charge.
Des chercheurs belges ont récemment mis en place une expérimentation reposant sur la réalité virtuelle au sein d’un service de postcure s’occupant de patients présentant une addiction à l’alcool.
L’objectif de la réalité virtuelle est de pouvoir exposer les patients, de façon sécurisée et proche de la réalité, à des scénarios générant des craving.
Les scénarios sont variés comme le rayon alcool du supermarché, une soirée entre amis ou encore un casino. L’étude n’est pas encore publiée, néanmoins il semble intéressant d’investiguer par la suite les apports de tels outils dans des services dédiés à la prise en charge des addictions.
- Conclusion
En conclusion, les nouvelles technologies font aujourd’hui partie de notre quotidien et il paraît important de mesurer leurs apports et leur efficacité dans le cadre d’une prise en charge thérapeutique. Ces outils peuvent servir de support aux patients, mais également permettre aux professionnels d’avoir une plus grande variété d’outils à leur disposition.
- Quelques ressources pour les professionnels et les usagers
- Daylio : application avec journal de l’humeur et relevé d’activités. Se base sur le principe de l’activation comportementale. Possibilité de définir des objectifs en termes de reprise d’activités.
- stop-tabac.ch (site suisse) De nombreux outils pour préparer l’arrêt du tabac: bénéfices à l’arrêt, différentes méthodes, rubrique sur l’alimentation et l’arrêt du tabac, test de dépendance pour s’autoévaluer, test de motivation, prévention de la rechute, coach en ligne, groupe d’entraide.
- KWIT : application pour arrêter de fumer
- Mon Test Binge : application avec mise en situation en lien avec des comportements excessifs (alcool, écran, nourriture). Destinée à des personnes qui souhaitent réduire leurs consommations.
- PRADAJ : psychoéducation sur la gestion des émotions et mise en lien avec les comportements automobiles. Application destinée notamment aux jeunes qui conduisent sous substances.
Source : Le Courrier des Addictions • Vol. XXIV – n° 4 – 2022